Journaliste depuis plus de 35 ans, Maria Ressa est la cofondatrice et directrice générale de Rappler, un site d’information des Philippines. Son courageux combat pour le journalisme indépendant et la liberté d’expression – et, tout particulièrement, la mise au jour de la violation des droits de la personne sous le régime autoritaire de l’ancien président Rodrigo Duterte – lui a valu le prix Nobel de la paix en 2021.
Première Philippine à recevoir le prestigieux prix, Maria Ressa a lancé la mise en garde suivante lors de son discours de remerciement : « Sans faits, il n’y a pas de vérité. Sans vérité, il n’y a pas de confiance. Sans confiance, il n’y a pas de réalité commune ni de démocratie. Il est alors impossible de s’occuper des problèmes existentiels de notre monde, comme le climat, le coronavirus ou le combat pour la vérité ».
La confĂ©rence Beatty de Maria Ressa s’est dĂ©roulĂ©e le 20 octobre 2022, dans le cadre des Retrouvailles de l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ. L’évĂ©nement Ă©tait animĂ© par Nahlah Ayed, prĂ©sentatrice de l’émission Ideas, diffusĂ©e Ă CBC Radio One. Ancienne correspondante parlementaire et correspondante Ă l’étranger chevronnĂ©e, Nahlah Ayed est laurĂ©ate de nombreux prix, dont un prix de l’Association de la presse Ă©trangère du Royaume-Uni et un autre de l’Association canadienne des journalistes. Des extraits de la confĂ©rence ont Ă©tĂ© diffusĂ©s lors de l’épisode d’Ideas du 9 novembre 2022, disponible .
Maria Ressa entame sa carrière de journaliste dans une entreprise de radiodiffusion de nouvelles et de divertissement des Philippines, ainsi que pour le réseau de télévision du gouvernement philippin. Elle travaille ensuite pour CNN en tant que journaliste d’enquête et correspondante internationale. Le sujet de ses reportages porte sur les réseaux de terroristes qui sévissent en Asie du Sud-Est. Elle dirige le bureau de CNN à Manille pendant près d’une décennie avant de mettre sur pied le bureau de Jakarta pour ce même réseau, qu’elle dirige de 1995 à 2005. En 2012, elle cofonde le site d’information Rappler, dont l’équipe est composée de 12 journalistes. De nos jours, Rappler est le quatrième site d’information en importance aux Philippines et compte plus d’une centaine de journalistes à son emploi.
Née à Manille en 1963, Maria Ressa a neuf ans lorsque sa famille émigre aux États-Unis. Elle étudie à l’Université de Princeton, où elle obtient un baccalauréat en études anglaises, de même qu’un certificat en théâtre et un autre en danse, en 1986. Cette même année, elle retourne dans son pays d’origine comme boursière Fulbright pour faire des études supérieures en théâtre politique à l’Université des Philippines.
Maria Ressa s’est distinguée comme journaliste d’enquête en exposant au grand jour l’autoritarisme croissant du régime Duterte. Après l’élection de Rodrigo Duterte, en 2016, Rappler est l’un des rares médias d’information philippins à avoir critiqué les politiques de son gouvernement, notamment sa répression brutale du trafic de drogue. Arrêtée sous une multitude de fausses accusations pour avoir révélé la corruption du gouvernement Duterte, la journaliste, qui possède la double nationalité philippine et américaine, a été reconnue coupable de cyberdiffamation en juin 2021.Elle a prononcé sa conférence Beatty alors qu’elle était en liberté sous caution, en attente de son appel.
Maria Ressa et le site Rappler ont aussi décrié l’utilisation des réseaux sociaux pour y diffuser de fausses nouvelles et manipuler l’opinion publique, des pratiques qui encouragent la censure journalistique à grands coups d’intimidation, de harcèlement et même de poursuites judiciaires. En 2020, Maria Ressa est devenue l’une des 25 membres du Real Facebook Oversight Board, un groupe de surveillance indépendant dont les membres se prononcent publiquement sur les politiques de modération de contenu de Facebook et sur le rôle de la plateforme dans la vie citoyenne.En parallèle de sa vie journalistique, Maria Ressa est également autrice. Elle est la plume derrière les ouvrages Seeds of Terror: An Eyewitness Account of Al-Qaeda’s Newest Center of Operations in Southeast Asia et From Bin Laden to Facebook: 10 Days of Abduction, 10 Years of Terrorism. Son dernier livre très attendu, How to Stand Up to a Dictator, est sorti en 2022. Elle paraît aussi dans le documentaire A Thousand Cuts, sorti en 2020, qui relate toute la témérité dont elle a fait preuve alors qu’elle couvrait les abus du régime du président Duterte.
Maria Ressa siège au conseil consultatif du Centre d’étude sur les mĂ©dias, la technologie et la dĂ©mocratie de l’École de politiques publiques Max-Bell de l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ. Grâce Ă la collaboration d’un rĂ©seau de parties prenantes provenant des milieux universitaires, politiques, journalistiques et de la collectivitĂ©, ce centre a pour objectif de comprendre les atteintes Ă la dĂ©mocratie causĂ©es par les technologies mĂ©diatiques en Ă©mergence et d’y remĂ©dier, en plus de mettre sur pied et de renseigner des systèmes de gouvernance responsables.
Maria Ressa a reçu de nombreux prix prestigieux, dont le prix international du journalisme Knight, la Plume d’or de la liberté de l’Association mondiale des journaux, le Prix du journalisme de l’Université Columbia, l’hommage de la Fondation pour le journalisme canadien, le prix Gwen-Ifill pour la liberté de la presse, le prix du journalisme Shorenstein, le prix Free Media Pioneer, le prix du journalisme d’enquête Sergei‑Magnitsky, le prix mondial UNESCO/Guillermo-Cano pour la liberté de la presse, le prix John‑Aubuchon pour la liberté de la presse, le prix Tucholsky, le prix Truth to Power et le Prix des quatre libertés.
Pour son courage et sa lutte contre la désinformation et les fausses nouvelles, elle a été nommée personnalité de l’année par la revue Time en 2018, en plus de figurer sur la liste des 100 personnes les plus influentes de 2019 et sur celle des 100 femmes de l’année 2020, dressées par cette même revue. En 2019, la BBC l’a nommée au nombre des 100 plus grandes femmes de l’année et la revue Prospect, parmi les 50 plus grands esprits du monde.
Image: Owen Egan and Joni Dufour