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Des fruits et légumes frais exempts de pesticides et issus de l’agriculture durable

Des diplômés mcgillois se lancent dans la culture d’intérieur, au grand plaisir des locavores

Pendant leurs Ă©tudes secondaires au Massachusetts, Tristan Zeman et Jonnie Lawson Ă©taient dĂ©jĂ  de fervents adeptes du dĂ©veloppement durable et avaient la fibre entrepreneuriale. Alors, lorsqu’ils se sont retrouvĂ©s dans le mĂŞme programme de gestion Ă  l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ, ces Ă©tudiants au premier cycle ont formĂ© un projet : lancer une entreprise vouĂ©e Ă  la rĂ©solution d’un problème environnemental.

Le résultat : une jeune pousse qui pratique l’« agriculture verticale » en utilisant une méthode reposant sur l’irrigation hydroponique et un milieu de culture écoénergétique novateur, mise à l’essai dans un immeuble industriel désaffecté de l’est de Montréal.

Leur entreprise, , souhaite mettre à la disposition des consommateurs canadiens des fruits et légumes frais offerts à longueur d’année et issus d’une agriculture durable locale, pratiquée à l’intérieur. Leur toute jeune pousse produit déjà de la laitue, du basilic, de la coriandre, du chou frisé (kale) et du persil; à la fin de juillet dernier, elle s’est classée en première place de la catégorie « Petites et moyennes entreprises » lors de la Coupe Dobson, concours annuel de démarrage d’entreprise.

« Les comportements du consommateur changent », fait observer Marie-Josée Lamothe, professeure praticienne à la Faculté de gestion Desautels et directrice des études du Centre Dobson pour l’entrepreneuriat. Grâce à sa technologie de rupture, Interius Farms est aux premières loges pour aider les agriculteurs à composer avec les incertitudes, de plus en plus grandes partout dans le monde. Leur technique règle des problèmes et atténue les risques associés à la chaîne de valeur classique qui relie l’agriculteur au consommateur », ajoute-t-elle.

Tristan et Jonnie ciblent d’abord le marché montréalais, et ce, pour deux raisons. Premièrement, c’est la ville nord-américaine où l’électricité est la plus abordable, grâce à l’hydroélectricité québécoise abondante et propre; deuxièmement, la saison de croissance y est brève, si bien que pendant environ sept mois par année, les supermarchés doivent se rabattre sur des fruits et légumes frais importés.

Tristan Zeman and Jonnie Lawson holding lettuce

Notre approvisionnement est donc largement tributaire de contrées éloignées où l’eau se fait rare, comme la Californie, l’Arizona et le Mexique, ce qui favorise l’instabilité des prix. Ces longues chaînes d’approvisionnement sont fragiles et « pourraient ne plus exister dans 20 ans », précise Jonnie Lawson. « Nous, nous pourrons offrir un produit frais de meilleure qualité, qui n’a pas parcouru tous ces kilomètres. »

Comme c’est bien souvent le cas en affaires, cette idée fort prometteuse ne s’est pas concrétisée comme par magie : il a fallu du temps… et quelques grincements de dents.

Entrepreneurs en herbe

Nos deux compères se sont lancés dans leur première aventure entrepreneuriale pendant leurs études au premier cycle : ils fabriquaient une collation de viande de bœuf séchée (communément appelée « jerky ») qu’ils vendaient à des bureaux et à des bars de Montréal. (Tristan tenait la recette d’un emploi d’été comme apprenti boucher qu’il occupait pendant ses études secondaires.) Toutefois, ils arrivaient difficilement à concilier ce travail à temps partiel avec le sport – ils faisaient tous les deux partie de l’équipe de football de l’Université – et leurs études. « Nous nous couchions à 5 h du matin pour finir une recette de bœuf, puis nous nous levions à 9 h pour aller à notre stage, à notre entraînement de football et à nos cours », se rappelle Tristan.

Sans compter que « prendre du bœuf et le faire sécher, ce n’est pas trop génial pour l’environnement », ajoute Jonnie, sourire en coin.

En 2017, Tristan est dĂ©mĂ©nagĂ© Ă  Chicago, oĂą il avait dĂ©crochĂ© un emploi après l’obtention de son diplĂ´me (il Ă©tait arrivĂ© Ă  ż´Ć¬ĘÓƵ deux ans avant Jonnie) : ils ont donc laissĂ© tomber le bĹ“uf sĂ©chĂ©. Cependant, les deux amis ne se sont pas perdus de vue et ont continuĂ© de chercher une idĂ©e d’affaires qui serait compatible avec leurs objectifs de dĂ©veloppement durable.

L’agriculture verticale

« Un soir, Jonnie m’a téléphoné, se remémore Tristan. As-tu déjà entendu parler de l’agriculture verticale?, qu’il m’a demandé. J’ai adoré l’idée. Nous avons commencé à lire tout ce qui nous tombait sous la main. »

Lettuce plants growing on a vertical rack under blue indoor lighting
Lettuce plants growing on a vertical rack under blue indoor lighting

Et ce n’était pas la documentation qui manquait. L’augmentation rapide de la population mondiale – et des bouches à nourrir – a amené des chercheurs à étudier la culture d’intérieur en milieu contrôlé, voyant là un mode d’agriculture plus durable pour les futures générations. Depuis une dizaine d’années, on voit éclore plusieurs entreprises qui font pousser des végétaux à la verticale – dans des entrepôts désaffectés et sous éclairage artificiel, par exemple – au moyen de techniques hydroponiques peu gourmandes en eau.

Jonnie et Tristan trouvaient ce mode de culture bien adapté au Québec. Au début de 2018, ils ont commencé à envisager sérieusement d’en faire un projet d’affaires. L’an dernier, ils ont participé à la Coupe Dobson et en sont revenus bredouilles (notons tout de même qu’ils se sont rendus en finale).

En janvier de cette année, Tristan est revenu à Montréal, et Jonnie et lui ont posé leurs pénates dans un petit appartement. Ils ont également loué un local de 150 pieds carrés dans « un immeuble multivocationnel incongru de Montréal-Ouest », où ils ont commencé à expérimenter en faisant pousser des végétaux dans des structures verticales plutôt qu’à l’horizontale.

Les premières récoltes étaient parfois décourageantes. « Nous trimions dur jour après jour et faisions tout pour que ça fonctionne, mais les résultats n’étaient pas vraiment au rendez-vous », avoue Tristan.

Malgré tout, ils se sont réinscrits à la Coupe Dobson et, une fois encore, se sont rendus en finale. Mais voilà que deux semaines avant le jour prévu de leur présentation devant les juges, la pandémie a frappé. Comme presque tout était fermé à Montréal, le concours a été reporté.

Entre-temps, le Centre Dobson a annoncĂ© qu’il passait en mode virtuel pour son ´ˇł¦ł¦Ă©±ôĂ©°ů˛ąłŮ±đłÜ°ů X‑1, programme d’étĂ© intensif conçu pour aider les jeunes pousses prometteuses Ă  attirer les investisseurs.

« Tout (dans l’´ˇł¦ł¦Ă©±ôĂ©°ů˛ąłŮ±đłÜ°ů) s’est fait par Zoom cette annĂ©e, prĂ©cise Tristan. Mais finalement, l’expĂ©rience s’est rĂ©vĂ©lĂ©e très formatrice. La qualitĂ© des confĂ©renciers et des Ă©changes tout au long du programme de 10 semaines nous a vraiment bien prĂ©parĂ©s aux dĂ©cisions d’affaires et d’investissement que nous devons prendre maintenant ».

Des retombées réelles

Le Centre Dobson pour l’entrepreneuriat en quelques chiffres :

  • 450 jeunes pousses actives
  • Plus de 6 000 emplois crĂ©Ă©s
  • Près de 800 millions de dollars amassĂ©s par les jeunes pousses
  • 10 facultĂ©s de l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ
  • 40 % des jeunes pousses fondĂ©es ou cofondĂ©es par des femmes

Désireux de peaufiner leur idée, les deux associés ont pris conseil auprès de chercheurs de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement, en particulier le Pr Mark Lefsrud, grand spécialiste des techniques d’agriculture urbaine. L’un des atouts d’Interius Farms : un système de culture breveté qui consomme de 30 à 60 % moins d’éclairage que d’autres fermes verticales.

« C’est toujours agréable de voir des étudiants se consacrer corps et âme à un projet né sur les bancs d’université, se réjouit le Pr Lefsrud. Ce sont des passionnés et des visionnaires qui mettent au point un système de culture novateur dans le but de maximiser la production et la valeur nutritionnelle des végétaux. »

Pendant ce temps, des professeurs de la Faculté de gestion Desautels peaufinaient le projet d’affaires. Brian Smith, notamment, a travaillé sur les données et l’établissement des prix, souligne Jonnie, qui a étudié à la Faculté grâce à une Bourse en entrepreneuriat Peter‑Brodje et a obtenu son baccalauréat en commerce l’an dernier.

Moment de grâce

Photo of Tristan, with mask, delivering a box to Meet the Need MontrealEn juin, Interius Farms a livré la toute première récolte provenant de son minuscule local d’expérimentation à , initiative que des étudiants en médecine de l’Université ont lancée pour aider les banques alimentaires et les refuges à répondre aux besoins pendant la pandémie. « Nous avions des amis en médecine et nous leur avons demandé comment nous pouvions leur venir en aide, raconte Jonnie. Cette livraison-là était vraiment géniale. »

La pandémie a amené le Québec – y compris le gouvernement lui-même – à promouvoir la consommation de fruits et légumes produits localement. La popularité grandissante de l’alimentation de proximité « nous a encouragés à foncer et à garder le cap », lance Tristan.

Maintenant installée dans des locaux plus vastes de l’est de la ville, Interius boucle actuellement un premier tour de financement mené auprès d’un groupe d’investisseurs providentiels, qui lui permettra de terminer la conception de ses casiers de culture et de parfaire sa technique. De plus, l’entreprise est en pourparlers avec des supermarchés et des services de livraison de repas pour d’éventuels contrats de distribution. Entre-temps, elle prend des dispositions pour que les consommateurs puissent passer leur commande directement sur son site Web et la cueillir à l’un de ses points de chute à Montréal.

Les cofondateurs participeront bientĂ´t Ă  la TournĂ©e des entreprises en dĂ©marrage de ż´Ć¬ĘÓƵ, organisĂ©e chaque annĂ©e par le Centre Dobson pour l’entrepreneuriat; ils auront ainsi la chance de prĂ©senter leur entreprise Ă  des investisseurs potentiels, plus prĂ©cisĂ©ment des diplĂ´mĂ©s de New York, de Boston et de Toronto. Ils espèrent que cette tournĂ©e – virtuelle – sera assez lucrative pour leur permettre d’accĂ©lĂ©rer leur entrĂ©e sur le marchĂ© l’an prochain.

« Grâce Ă  l’appui que le Centre Dobson et l’écosystème de ż´Ć¬ĘÓƵ nous ont offert au cours des derniers mois, on voit que nos efforts commencent Ă  porter leurs fruits, se rĂ©jouit Tristan. Et ça, ça nous fait un bien fou. »

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