Une injection de botox sauve la vie d'un bébé
Plus qu'un simple produit anti-ride... le précieux botox à la rescousse du contrôle salivaire
Le Dr Sam Daniel savait qu'il courait un risque, mais il avait le sentiment que c'était la seule option possible. L'intervention qu'il s'apprêtait à faire était plutôt radicale. Elle s'était révélée efficace par le passé chez un petit nombre d'enfants plus âgés et d'adultes, mais n'avait jamais été pratiquée chez un si jeune enfant ayant de si graves problèmes pulmonaires. Le Dr Daniel, oto-rhino-laryngologiste à l'Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et spécialiste des problèmes de contrôle salivaire, s'apprêtait à injecter une toxine botulinique (botox) pour paralyser les glandes salivaires d'un bébé de 39 semaines.
Le garçon né prématurément présentait à la naissance une maladie génétique rare appelée syndrome de Charge. En raison de sa condition médicale instable aggravée par l'aspiration de sa propre salive, l'enfant était à l'unité de soins intensifs depuis sa naissance. Il se noyait littéralement dans sa salive, les sécrétions s'accumulaient dans ses poumons, provoquant des pneumonies à répétition. Il a donc fallu l'intuber, puis le placer sous respirateur pour faciliter sa respiration. Plusieurs tentatives de retirer le respirateur se sont révélées infructueuses.
L'équipe médicale de l'Hôpital de Montréal pour enfants a envisagé différentes avenues pour sauver la vie du jeune garçon. On a d'abord pensé à une trachéotomie, ou à un tube permanent placé dans la trachée de façon à ce que la salive puisse être aspirée de ses poumons régulièrement. Les médecins ont aussi proposé une pharyngotomie; il s'agit essentiellement de créer une ouverture sur le côté du pharynx pour permettre à la salive de s'écouler à l'extérieur sur le cou de l'enfant. La troisième option consistait à effectuer une séparation laryngée, soit séparer les cordes vocales de l'oesophage, le tube qui mène à l'estomac. Cette intervention aurait empêché la salive de s'accumuler dans les poumons, mais l'enfant n'aurait jamais pu parler ou avaler. Ces trois avenues pouvaient résoudre les problèmes de santé imminents du garçon, mais en causaient d'autres qui exigeraient de la part des parents une quantité phénoménale de soins pour le reste de la vie de l'enfant.
Les parents étaient totalement désemparés. Voyant leur fils souffrir et ayant à choisir l'une de ces avenues médicales, une décision si importante et aux conséquences si lourdes pour la vie de leur enfant et leur vie de famille, ils ont sérieusement envisagé la possibilité d'interrompre tous les soins médicaux et de risquer de perdre leur fils.
Et c'est là que le Dr Daniel est arrivé pour offrir aux parents une ultime chance de sauver leur fils. Il était prêt à tenter une intervention jugée expérimentale en raison de l'âge et de la condition médicale de l'enfant.
Les parents ont accepté l'injection de botox. Dans les dix jours suivants, les sécrétions en excès étaient asséchées, et le tube et le respirateur étaient retirés; puis, l'enfant a enfin pu rentrer à la maison. Aujourd'hui, quelque huit mois plus tard, il se porte bien. Il a encore des problèmes de santé liés au syndrome de Charge, mais il est fort et il grandit bien. À tous les six mois, il devra recevoir une nouvelle injection de botox pour contrôler l'hypersalivation. Le Dr Daniel explique qu'il est trop tôt pour dire si l'enfant aura besoin d'injections de botox pendant toute sa vie, si ses problèmes de sécrétion salivaire disparaîtront ou si son réflexe de déglutition s'améliorera.
L'injection de botox reçue par ce petit garçon et d'autres patients comme lui est hors protocole. Ce qui veut dire que le gouvernement n'a pas approuvé l'utilisation du botox pour traiter les problèmes de contrôle salivaire et que, par conséquent, il ne paie pas le traitement. « C'est habituellement le cas pour les nouveaux traitements », dit le Dr Daniel. « Le gouvernement doit reconnaître les bienfaits d'une nouveauté. Mais j'ai confiance que le financement viendra, ce n'est qu'une question de temps ».
Le botox, un traitement parmi d'autres utilisés à la nouvelle clinique de contrôle salivaire
En mars 2005, le Centre de réadaptation Mackay a ouvert une Clinique de contrôle salivaire en partenariat avec l'Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM. Il s'agit de la seule clinique du genre au Québec, et l'une des deux seules au Canada.
L'hypersalivation peut être associée à d'innombrables conditions médicales, la plupart en lien avec des déficiences neurologiques comme la paralysie cérébrale, l'épilepsie et la déficience mentale. Les troubles de contrôle salivaire chez les enfants peuvent se manifester sous différentes formes comme une sécrétion excessive de salive, de piètres habiletés orales-motrices, une posture inappropriée, un faible réflexe de déglutition ou une sensibilité limitée à ce qui est sec et mouillé.
L'équipe de cette nouvelle clinique spécialisée pourra évaluer et traiter les jeunes aux prises avec des problèmes de contrôle salivaire sérieux et persistants. Le mandat de la clinique est d'identifier la cause des problèmes salivaires et d'offrir des traitements appropriés. Le Centre de réadaptation Mackay assure le suivi des recommandations de concert avec les autres ressources de la communauté. L'équipe multidisciplinaire comprend un spécialiste des oreilles, du nez et de la gorge (ORL), un neurologue, deux dentistes, un pédiatre, un orthophoniste, un ergothérapeute et un travailleur social.
« Le botox n'est qu'une des façons de traiter efficacement l'hypersalivation », nous dit le Dr Daniel, fondateur et directeur de la Clinique de contrôle salivaire. « Parmi les autres approches, on retrouve notamment la chirurgie, l'écran vestibulaire, la réadaptation et le changement de comportement. »
« Les enfants qui ont des problèmes d'hypersalivation sont très souvent stigmatisés. Ils sont rejetés par leurs pairs, doivent composer avec des chandails mouillés en plus de devoir se laver constamment », explique Diane Calce, conseillère clinicienne à la Clinique de contrôle salivaire. « C'est difficile pour ces enfants de se faire des amis ou de trouver du travail, parce que les gens ont tendance à les éviter de peur de contracter une maladie par la salive ou simplement parce qu'ils sont mal à l'aise face à ce problème. La conséquence, c'est que ces enfants et leur famille deviennent souvent isolés socialement. »
L'hypersalivation peut aussi entraîner des complications médicales comme des plaies cutanés ou même des pneumonies en cas d'aspiration de salive.
Mme Calce connaît de nombreux enfants et adolescents qui ont été aidés par la Clinique de contrôle salivaire. « Quand un parent doit faire face quotidiennement au problème de contrôle salivaire d'un enfant qui requiert aussi des soins en raison d'une incapacité physique, la prise en charge de l'hypersalivation allège leur fardeau et leur facilite la vie », ajoute Mme Calce.
Le Centre de réadaptation Mackay est un centre axé sur la famille qui offre des services spécialisés et ultra-spécialisés aux enfants ayant une déficience motrice ou verbale et à la population sourde ou malentendante de tous âges. On y trouve notamment des services de réadaptation, d'adaptation et d'intégration sociale.
L'Hôpital de Montréal pour enfants est l'établissement d'enseignement pédiatrique du Centre universitaire de santé ¿´Æ¬ÊÓƵ. Cet établissement est un chef de file des soins et des traitements destinés aux nourrissons, aux enfants et aux adolescents malades de tout le Québec. L'Hôpital de Montréal pour enfants offre un vaste éventail de services de santé de très haut niveau en plus de prodiguer des soins ultra-spécialisés dans une multitude de disciplines, incluant la cardiologie et la chirurgie cardiaque, la neurologie et la neurochirurgie, la traumatologie, la recherche génétique, la psychiatrie et le développement de l'enfant ainsi que les troubles musculo-squelettiques, dont l'orthopédie et la rhumatologie. Complètement bilingue et multiculturel, l'établissement dessert respectueusement dans plus de 50 langues une communauté de plus en plus diversifiée.
L'année 2005 marque le 100e anniversaire du département d'oto-rhino-laryngologie du CUSM. Ce département est devenu un centre d'excellence pour la qualité de ses services cliniques, de la recherche et de l'enseignement dans le domaine de l'oncologie de la tête et du cou, des pertes auditives, du traitement des troubles du nez et des sinus, de l'évaluation des problèmes de voix et de déglutition, de l'orthophonie, de la réadaptation vestibulaire (étourdissements et pertes d'équilibre), et des examens de l'audition chez les enfants. Parmi ses réalisations marquantes, on note le premier implant cochléaire réalisé au Québec par le Dr Melvin Schloss en 1984, ainsi que la chirurgie du sinus et de la base du crâne assistée par imagerie médicale, réalisée à l'aide de la technologie Stealth par les Drs Anthony Zeitouni, Mark Samaha et Saul Frenkiel.
Les parents de l'enfant mentionné dans ce communiqué de presse nous ont autorisés à raconter l'histoire de leur fils, mais ils ne souhaitent pas que le nom de leur enfant soit rendu public; ils ont aussi choisi de ne pas accorder d'entrevues aux médias.