D'aussi loin que je me souvienne, j'ai été curieuse de savoir comment les gens se comprennent et comprennent leur vie. Lorsque vient le temps de choisir une profession, je savais que je voulais explorer les possibilités de se libérer de la souffrance et de prodiguer un genre de soin direct et thérapeutique pour des personnes en crise. A travers mon éducation et mon expérience personnelle, j’ai perçu que la capacité d’une personne à penser et à ressentir dans leur vie, avec l’aide de ressources culturelles, religieuses et internes, peut leur apporter une libération profonde. Lorsque j’ai entendu parler de soins spirituels, je venais de trouver ma vocation.
Mon timing était parfait, j'ai commencé ma formation en accompagnement spirituel à une époque où ce domaine était en pleine évolution. Pendant mes études de maitrise en théologie et en études religieuses, j’ai fait un stage dans une unité de grossesse à haut risque au Centre de santé IWK à Halifax. Je travaillais avec le personnel et les bénévoles en soins pastoraux qui étaient assignés exclusivement aux patients de leurs propres traditions religieuses. J’étais l’exception. Ma démographie était notée « NR » sur les formulaires d’admission de patient, ce qui signifiait « No Religion ». Pour mon superviseur et mes collègues qui étaient habitués à prodiguer des soins basés strictement sur le pastoral, j’étais la première d’une nouvelle espèce dans les soins de santé : l’intervenante en soins spirituels.
C’était en 2009. Aujourd’hui, en 2023, au Centre Universitaire de santĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ (CUSM), mes collègues en soins spirituels ont accumulĂ© plusieurs annĂ©es de pratique en intervention auprès des patients, familles et personnel de toutes les affiliations religieuses, culturelles et sociales.
Lorsque je me suis joins à l’équipe en 2021, j’ai constaté que le modèle de soins spirituels avait été entièrement réalisé au CUSM.
Permettez-moi de vous faire un portrait de ce modèle tel qu’il s’applique aux patients en soins palliatifs. Dans une semaine donnée sur l'unité de soins palliatifs, nous trouverons des patients d'origines, d'âges, d'identités de genre, de milieux religieux et culturels et de systèmes familiaux variés, sans oublier les antécédents de santé et les progressions de la maladie. Ces éléments dans le monde d’un patient affecteront leur expérience de leur fin de vie de différentes façons. L’expérience de chaque patient est entièrement unique. Le rôle des soins spirituels est d’offrir une sorte de présence et d’attention permettant à un patient d’exprimer toutes les dimensions de leur expérience qu’ils veulent partager. L’intervenant en soins spirituels éclaire l’expérience du patient et renforce ainsi sa compréhension de lui-même.
Parfois, les pratiques religieuses et les traditions d’un patient lui fournissent une connexion, une direction et un réconfort, ou une façon d’interpréter son expérience. Lorsqu’un patient demande une prière, un rituel ou la présence d’un chef religieux, je suis honorée de faciliter ces besoins et de nourrir ces aspects de leur vie spirituelle.
Aux soins palliatifs, nous avons l’immense privilège d’accompagner les patients vers la mort.
Dans notre travail avec les patients, nous apprenons le temps sacré qui viendra dans toutes nos vies. Nous assistons à de nombreuses formes de souffrance ainsi qu'à un soulagement de la souffrance. Nous voyons la douleur, le chagrin et la peur ainsi que l'amour, la joie, la libération et la transformation. Souvent, nous voyons tout cela à la fois.
En tant qu’intervenante en soins spirituels, je fais de la place et je permets l’espace pour ce qu’un patient vit dans le moment. J’offre ma présence sans anxiété et jugement de l’expérience du patient. Sans agenda, sans décider ce qu’un patient devrait penser ou ressentir, je tiens un miroir pour qu’ils puissent se voir. Ce simple geste peut donner des résultats profondément curatifs. En se voyant, les patients font l'expérience de la conscience de soi, de la compréhension de soi et de l'acceptation de soi. Il peut y avoir un réveil et une révélation, de la tendresse et la capacité de lâcher prise. Ou il peut y avoir la prise de conscience qu’ils sont sous l’emprise d’un filet d’émotions douloureuses. Parfois, mais pas toujours, la réalisation conduit à la compassion envers soi-même et à un relâchement du filet.
En tant qu’intervenante en soins spirituels, je ne peux pas déterminer le dénouement de mes soins. Je vois et je fais de la place pour l’expérience du patient telle que c’est, au moment présent. Une personne ne peut pas être forcée vers un véritable changement. Si j’essaie de forcer quelqu’un à accepter davantage sa situation, soit il me résistera, soit il fera semblant de me suivre. Dans tous les cas, ils se sentiront plus seuls. J’adore mon travail d’intervenante en soins spirituels dans les soins palliatifs. Je suis le témoin de l’immense richesse des expériences, des souvenirs, des réflexions et des croyances des gens alors qu’ils approchent de la fin de leur vie. Je peux voir la vie et la mort telles qu’elles le sont, telles que les gens les vivent réellement, et mon cœur est étiré de toutes sortes de manières inattendues.