Biais mâle-femelle dans la recherche sur la douleur
Il apparaĂ®t de plus en plus clair que les hommes et les femmes, ainsi que les rongeurs mâles et femelles, traitent la douleur diffĂ©remment. En outre, il existe d’importantes diffĂ©rences dans les mĂ©canismes sous-jacents en jeu au niveau gĂ©nĂ©tique, molĂ©culaire et cellulaire de mĂŞme que sur le plan physiologique. Pourtant, selon un article de synthèse de l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ publiĂ© rĂ©cemment dans Nature Reviews Neuroscience, la plupart des recherches menĂ©es sur la douleur reposent sur l’étude de rongeurs mâles et sur des hypothèses dĂ©coulant de travaux rĂ©alisĂ©s chez des mâles. Il y a donc ici un angle mort important dans la recherche sur la douleur, surtout pour la dĂ©couverte de mĂ©dicaments. Cet Ă©tat de fait est particulièrement problĂ©matique, puisqu’il a Ă©tĂ© bien dĂ©montrĂ© que ce sont principalement les femmes qui souffrent de douleurs chroniques.
« Il y a un biais dans la littĂ©rature sur la douleur; en raison de l’utilisation massive d’animaux mâles dans les Ă©tudes, nous en apprenons de plus en plus sur la biologie de la douleur chez les mâles et nous concluons, Ă tort, qu’il s’agit de la biologie de la douleur, alors que ce n’est que la facette mâle de la question », explique Jeffrey Mogil, auteur de l’article, professeur au DĂ©partement de psychologie et au DĂ©partement d’anesthĂ©sie de l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ, et titulaire de la Chaire E. P.‑Taylor d’études sur la douleur et de la Chaire de recherche du Canada en gĂ©nĂ©tique de la douleur.
Un biais en faveur des mâles qui persiste malgré l’ajout récent de femelles
En 2006, les organismes subventionnaires canadiens ont commencé à considérer le sexe comme une variable biologique et à demander aux chercheurs d’inclure des rongeurs femelles dans leurs études. Aux États-Unis, un virage semblable s’est opéré en 2016. Jeffrey Mogil a dépouillé plus de 1 000 articles savants publiés entre janvier 2015 et décembre 2019 dans Pain, principale revue dans le domaine. Il a ainsi constaté qu’à partir de 2016, de plus en plus d’articles portaient sur des travaux effectués chez des rongeurs femelles et mâles. Le pourcentage des études menées seulement chez des mâles, qui était de 80 % des études totales en 2015, s’établissait à seulement 50 % du total en 2019.
À première vue, l’existence de ces articles semble indiquer qu’un changement prometteur s’opère dans la conception des études. Mais lorsque le professeur Mogil s’est penché de plus près sur les différences entre les sexes dans la littérature sur la douleur, il a observé un biais net et persistant en faveur des mâles.
« Les idées mêmes que nous trouvons pour nos travaux sont fondées sur des études réalisées chez des mâles. Elles fonctionnent donc pour les mâles, mais pas pour les femelles. J’ai découvert que, dans les articles sur des études réalisées chez les deux sexes et où les différences entre les sexes dans les résultats étaient présentées, les expériences “fonctionnaient”, c’est-à -dire que l’hypothèse scientifique vérifiée se révélait vraie, dans 72,4 % des cas pour les mâles et dans seulement 27,6 % des cas pour les femelles, affirme le chercheur. S’il n’y avait pas de biais dans la littérature et qu’il y avait un certain nombre d’articles sur des expériences qui fonctionnaient pour un sexe, mais pas pour l’autre, les résultats devraient être aussi souvent concluants pour les femelles que pour les mâles. Pourquoi alors nous retrouvons-nous avec de tels pourcentages? Parce que les hypothèses qu’on tentait de vérifier avaient été formulées sur la foi de travaux réalisés seulement chez des mâles. Alors, bien sûr, elles fonctionnaient seulement pour les mâles. »
La recherche d’analgésiques efficaces chez la femme
Selon Jeffrey Mogil, la conclusion à tirer de cet examen est que les chercheurs ont encore du chemin à faire avant de réussir à mettre au point un analgésique efficace chez la femme. « Cette étude donne à penser que bon nombre des médicaments en voie d’élaboration, si tant est qu’ils se révèlent efficaces, fonctionneront principalement pour les hommes. Or, la très grande majorité des personnes aux prises avec des douleurs chroniques ont toujours été des femmes. »
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L’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ
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FondĂ©e en 1821 Ă MontrĂ©al, au QuĂ©bec, l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ figure au premier rang des universitĂ©s canadiennes offrant des programmes de mĂ©decine et de doctorat. AnnĂ©e après annĂ©e, elle se classe parmi les meilleures universitĂ©s au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supĂ©rieur renommĂ© partout dans le monde, l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ exerce ses activitĂ©s de recherche dans deux campus, 11 facultĂ©s et 13 Ă©coles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delĂ de 40 000 Ă©tudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supĂ©rieurs. Elle accueille des Ă©tudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 Ă©tudiants internationaux reprĂ©sentant 31 % de sa population Ă©tudiante. Au-delĂ de la moitiĂ© des Ă©tudiants de l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.
ł˘â€™a°ůłŮľ±ł¦±ô±đ « Qualitative sex differences in pain processing: emerging evidence of a biased literature », par Jeffrey Mogil, a Ă©tĂ© publiĂ© dans la revue Nature Reviews Neuroscience.
s41583-020-0310-6
Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et la Fondation Louise et Alan-Edwards.
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