Sommeil paradoxal et formation de la mémoire
Par Bruno GeoffroyĚý Ěý Ěý Ěý Ěý
Depuis des décennies, les neuroscientifiques débattaient âprement de l’implication du sommeil paradoxal, phase où les rêves apparaissent, dans la formation de la mémoire.
Dans une Ă©tude publiĂ©e dans Science, des chercheurs de l’Institut universitaire en santĂ© mentale Douglas (UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ) et de l’UniversitĂ© de Berne montrent pour la première fois que le sommeil paradoxal joue ce rĂ´le essentiel dans la consolidation de la mĂ©moire — tout du moins chez des souris.
«ĚýNous savions que toute nouvelle information Ă©tait stockĂ©e dans diffĂ©rents types de mĂ©moires — spatiale ou Ă©motionnelle — avant d’être consolidĂ©e et intĂ©grĂ©eĚý», dit Sylvain Williams, chercheur et professeur titulaire Ă l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ (dĂ©partement de psychiatrie).
«ĚýLa façon dont le cerveau accomplissait cette tâche restait floue. Du moins jusqu’à maintenant. Nous montrons pour la première fois que le sommeil paradoxal ou “REM sleep (rapid eye movement)” est crucial dans la formation de la mĂ©moire spatiale chez les sourisĚý», explique Williams, dont l’équipe fait partie d’un des centres de recherche du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-MontrĂ©al. Antoine Adamantidis, coauteur de cette Ă©tude, est chercheur Ă l’UniversitĂ© de Berne et au Sleep Wake Epilepsy Center de l’hĂ´pital universitaire de Berne.
Une quĂŞte de rĂŞve
Des centaines d’études ont essayé d’isoler l’activité neurale durant le sommeil paradoxal avec des méthodes expérimentales classiques. En vain. Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé l’optogénétique, une technologie récente leur permettant de cibler avec précision une population de neurones et d’en contrôler l’activité par un faisceau lumineux.
«ĚýNous avons choisi de cibler les neurones qui rĂ©gulent l’activitĂ© de l’hippocampe, une structure connue comme le GPS du cerveau et essentiel dans la formation de la mĂ©moire lors de la pĂ©riode d’éveilĚý», dit Williams.
Afin de tester la mémoire spatiale à long terme des souris, les scientifiques les ont entraînées à reconnaitre un nouvel objet placé dans un environnement où sont disposés deux objets de forme et de volume similaires. Spontanément, ces souris passent plus de temps à découvrir le nouvel objet, preuve de leur apprentissage et de leur mémorisation. Grâce à des impulsions lumineuses, les chercheurs ont ensuite désactivé les neurones associés à la mémoire lors du sommeil paradoxal des rongeurs. Et ce, afin de déterminer si cela avait un impact sur la consolidation de leur mémoire.
Le lendemain, après cette nuit de sommeil «ĚýmodifiĂ©Ěý», les mĂŞmes rongeurs n’ont pas rĂ©ussi l’exercice de mĂ©moire spatiale relevĂ© haut la main la veille. Comparativement au groupe tĂ©moin, leur mĂ©moire semblait effacĂ©e ou du moins drastiquement diminuĂ©e.
«ĚýPar contre, nous n’avons pas constatĂ© d’effet sur la mĂ©moire si les mĂŞmes neurones Ă©taient mis “sous silence” en dehors des phases de sommeil paradoxal. L’activitĂ© neuronale pendant cette phase de sommeil est donc essentielle pour consolider la mĂ©moireĚý», dit Richard Boyce, doctorant et auteur principal de l’étude, qui, ironie du sort, est souvent restĂ© debout la nuit pour mener Ă bien ses expĂ©riences.
Impacts sur les maladies cérébrales
Le sommeil paradoxal est une des phases essentielles du sommeil chez tous les mammifères, y compris les humains. De plus en plus, on associe une piètre qualité de sommeil aux déclenchements de maladies cérébrales (Alzheimer, Parkinson).
Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, le sommeil paradoxal est souvent très perturbé. Selon les chercheurs, les résultats de leur étude permettraient de penser que la perturbation du sommeil paradoxal pourrait contribuer aux troubles de mémoire observée pour cette maladie.
Ces travaux ont été en partie financés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), une bourse du Fonds de la recherche en Santé du Québec (FRSQ) et une bourse d’études supérieures du Canada Alexander-Graham-Bell (CRSNG).
«ĚýCausal Evidence for the Role of REM Sleep Theta Rhythm in Contextual Memory ConsolidationĚý», Science, publiĂ©e le 13 mai 2016.
DOIĚý: 10.1126/science.aad5252
Ă€ propos de Sylvain Williams
Les circuits neuronaux qui sous-tendent l’apprentissage et la mĂ©moire sont le domaine principal de recherche de Sylvain Williams, PhD, membre du Centre de recherche de l’Institut Douglas depuis 1999. Il est actuellement professeur titulaire Ă l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ (dĂ©partement de psychiatrie).
Ă€ propos de Richard Boyce
Richard Boyce, auteur principal de cette Ă©tude supervisĂ©e par Sylvain Williams et Antoine Adamantidis, a menĂ© ses Ă©tudes de doctorat grâce au Programme intĂ©grĂ© en neurosciences de l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ.
À propos du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal
Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal est issu du regroupement du CSSS de l’Ouest-de-l’Île, du CSSS de Dorval-Lachine-LaSalle, du Centre hospitalier de St. Mary, de l’Hôpital Sainte-Anne, de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, du Centre de réadaptation de l’ouest de Montréal, du Centre de soins prolongés Grasse Dart et des Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw.
De renommĂ©e internationale, l’Institut Douglas, affiliĂ© Ă l’UniversitĂ© ż´Ć¬ĘÓƵ et Ă l’Organisation mondiale de la santĂ©, soigne les personnes souffrant de maladies mentales et leur offre espoir et guĂ©rison. Ses Ă©quipes de spĂ©cialistes et chercheurs font constamment Ă©voluer les connaissances scientifiques, les intègrent aux soins offerts Ă leurs patients et les partagent avec la communautĂ© pour la sensibiliser et Ă©liminer les prĂ©jugĂ©s entourant la maladie mentale.
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