En règle générale, l’infection par le VIH n’est pas perçue comme une maladie neurologique. Cependant, les personnes qui vivent avec le VIH savent fort bien qu’elles doivent se soucier de leur santé cérébrale.
C’est qu’en l’absence de traitement, l’infection par le VIH peut entraîner une démence grave. Et même lorsque l’infection est bien maîtrisée, au moins le tiers des patients ont de la difficulté à penser ou à se concentrer, et beaucoup éprouvent des problèmes de santé mentale. La situation se corse après 50Ìýans, groupe d’âge en forte croissance vu l’efficacité de l’arsenal antirétroviral actuel.
Ces difficultés peuvent poser problème au travail, nuire à la vie sociale de même que familiale du sujet et compliquer la prise de ses médicaments anti-VIH. À ce jour, on n’a pas réussi à cerner les causes sous-jacentes de ces troubles, à préciser leur évolution, ni à déterminer la meilleure façon de les traiter. Qui plus est, les instruments d’évaluation cognitive normalisés font défaut, ce qui ne facilite pas la démarche diagnostique. Afin de remédier à la situation, une équipe multidisciplinaire constituée de chercheurs de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (LeÌýNeuro), de l’UniversitéÌý¿´Æ¬ÊÓƵ et de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé ¿´Æ¬ÊÓƵ ainsi que de scientifiques et de médecins d’autres établissements de Montréal et du Canada de même que de membres de la communautéÌýVIH a mis sur pied le projet Pour un cerveau en santé, agissons! (Action for Positive Brain Health Now). Ils entendent mettre au point des outils d’évaluation plus efficaces, cerner les facteurs à l’origine du déclin neurocognitif et préciser les effets de ce dernier sur la capacité fonctionnelle et la qualité de vie.
L’équipe a recruté 856Ìýporteurs du VIH d’âge mûr dans cinq cliniques du Canada et évalué leur santé cérébrale. Elle suivra ces sujets de près pendant au moins six ans en évaluant régulièrement leur état de santé général, leur humeur, leur fonctionnement au quotidien et leur qualité de vie. De plus, les chercheurs mettront à l’essai diverses interventions ayant pour but d’améliorer la santé cérébrale, allant de l’exercice à la prise en charge des troubles du sommeil en passant par la réadaptation cognitive.
Si les porteurs du VIH soumis à ces interventions ont les idées plus claires et fonctionnent mieux, les professionnels de la santé pourront formuler des recommandations précises pour l’amélioration de la santé cérébrale. Par ailleurs, cette étude menée chez des sujets d’âge mûr pourrait nous éclairer sur les facteurs à l’origine des altérations cérébrales et des pertes de mémoire liées au vieillissement dans la population générale.
Nous savons d’ores et déjà que le tiers, voire la moitié, des participants à l’étude Pour un cerveau en santé sont aux prises avec au moins un trouble cérébral. En plus de diminuer la qualité de vie, les troubles cognitifs ou la dépressionÌý– qui peuvent coexister chez un même sujetÌý– ont des répercussions indéniables dans les sphères sociale et professionnelle. Ce sont là des symptômes fréquents, mais qui demeurent généralement stables à court terme et peuvent même s’atténuer chez certains patients.
L’infection par le VIH peut à elle seule provoquer un dysfonctionnement cérébral, mais d’autres problèmes au moins aussi graves peuvent être en cause. Ainsi, une santé vasculaire défaillante peut diminuer le débit sanguin, ce qui nuira indirectement au fonctionnement du cerveau; par ailleurs, la marginalisation ou la stigmatisation peuvent se répercuter sur le raisonnement et l’humeur. Mieux l’on comprend les facteurs favorisant la santé cérébrale chez les porteurs du VIH, mieux l’on est outillé pour agir.
Les résultats préliminaires des études d’intervention donnent à penser que la réadaptation cognitive et l’exercice peuvent être efficaces. Les chercheurs prévoient également évaluer l’effet des interactions sociales. L’équipe de l’étude Pour un cerveau en santé travaille à la conception d’applications qui permettront d’évaluer rapidement la santé cérébrale, d’aider les patients à cerner leurs points forts et leurs faiblesses sur ce plan, et de trouver les traitements les mieux adaptés aux facteurs de risque d’un patient.
«ÌýD’ici à ce que les résultats de notre étude soient connus, nous recommandons aux personnes vivant avec le VIH de surveiller de près leur santé cérébrale en cessant de fumer, en faisant de l’exercice régulièrement et en dormant suffisammentÌý», souligne la DreÌýLesleyÌýFellows, neurologue au Neuro et l'un des trois chercheurs principauxÌýdu projet. «ÌýNous leur conseillons de solliciter abondamment leur cerveau, que ce soit au travail, dans une activité bénévole ou au sein d’un groupe quelconque. Elles doivent également réduire au minimum leur consommation de drogues et d’alcool susceptibles de ralentir la fonction cérébrale, et se nourrir sainement en consommant légumes, céréales entières et poisson en grande quantité. Ces recommandations valent pour tous, mais à notre avis, elles sont particulièrement importantes pour les personnes vivant avec le VIH.Ìý»
La DreÌýMarie-Josée Brouillette, cochercheuse principale et psychiatre au Centre universitaire de santé ¿´Æ¬ÊÓƵ, insiste sur l’importance d’une démarche holistique pour la préservation de la santé mentale. «ÌýLa mémoire, la concentration et l’humeur sont intimement liées. Lorsqu’on agit sur l’une de ces composantes, on peut faire d’une pierre deux coups et améliorer le fonctionnement global du cerveau. Le recours à certains traitements et l’adoption d’un mode de vie sain peuvent se révéler utiles, mais il reste que nous devons guider les personnes vivant avec le VIH dans la prise en charge de leur santé mentale. Notre projet devrait leur procurer les outils dont elles ont besoin.Ìý»
Le projet Pour un cerveau en santé, agissons! est financé par des subventions des Instituts de recherche en santé du CanadaÌý(IRSC). Les candidates principales sont les DresÌýFellows et Brouillette ainsi que la PreÌý±·²¹²Ô³¦²âÌý²Ñ²¹²â´Ç.
LégendeÌý: On voit ici l’équipe de l’étude sur le vieillissement et les problèmes cardiovasculaires et cérébraux chez les porteurs du VIH, récemment financée par les IRSC, en compagnie de GinetteÌýPetitpasÌýTaylor, ministre de la Santé, de Cara Tannenbaum, directrice scientifique de l’Institut de la santé des femmes et des hommes des IRSC, et de Guy-HenriÌýGodin, militant de la communauté VIH, réunis au Neuro le 31Ìýmai dernier.